La canne tourne sur le bout de ses doigts comme
aujourdh'ui les stylos tournent dans les mains agiles
des collégiens du siècle.
Le gymnase bruit du cliquetis des
morceaux de châtaignier qui se croisent en cadence.
Ils sont une trentaine à suivre la leçon, à reproduire
les assaults que leur décryptent Alain Gernet, 62 ans,
l'homme de Villers, référence lorraine de la canne,
un ex-professeur d'économie, et Anne qui a particité
à de nombreux championnats de France de la spécialité
et donne la réplique. Ils ont tous les âges, viennent
de toutes les conditions et de tous les clubs de la
région, les nouveaux adeptes. Des enfants, des hommes
qui pratiquent l'art d'être grand-père. La canne, 95
cm de long, 110 grammes au bout des doigts est l'objet
du dialogue entre le maître et Anne. Djamel qui vient
de la Côte-des-Roses à Thionville a tout saisi
et engage la conversation avec Fatia. Tout à l'heure,
on passera à des propos plus musclés avec le bâton,
un beau morceau d'1,40m et 350 grammes quie se prend
en prise inversée à deux mains. Pour un ballet à deux,
"Avec la canne et le bâton, on revient à notre
histoire, explique Alain Gernet. La canne est
l'apanage du bourgeois ou de l'aristocrate, le bâton,
le moyen de défense du manant, du pélérin."
On en revient à la tradition. Des images remontent des
romans du XIXème, des films d'hiers et d'aujourd'hui.
On revoit passer Pierre Clémenti dans Belle de jour,
Oliviier Gourmer dans Les Brigades du Tigre. La canne
et le bâton, objet de la vie quotidienne devenus objets
de culte et de sport. La canne et le bâton, une
escrime de la rue. A la portée de tous Cette escrime-là,
Alain Gernet la popularise. La canne, un peu distante,
un peu sectaire, avait pris ses quartiers d'hiver, Gernet
et d'autres cherchent à la ramener dans le sérail des
arts martiaux français, aux côté de la Savate et de
la Boxe. "On met le jogging, on s'offre son morceau
de châtaignier pour trois euros. Y a-il sport moins
cher ?" dit le maître qui avec élégance et dextérieté
a repris sa place dans le grand combat. Aujourd'hui,
on ne met ni le casque d'apiculteur, ni la tenue matelassée
comme en compétition. On redécouvre la tradition. Avec
le riche, avec le pauvre.
A.Z.
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